La vie agit�e de Constance est relat�e assez longuement
dans l'histoire g�n�rale du Languedoc. Plusieurs d�tails ont �t�
pr�cis�s plus r�cemment dans un article paru dans les "Annales du
midi"
(Annales du midi 1951, page 193, article de L.Sery)
Mari�e en 1140 � Eustache de Blois, fils du roi d'Angleterre, Etienne
de Blois (1140-1154), sa vie outre Manche co�ncide avec une p�riode
d'anarchie qui se termina pour elle en 1153 par la mort de son mari,
un an avant qu'il e�t pu succ�der � son p�re. Revenue en France,
le roi Louis VII, son fr�re, la remaria dans les plus brefs d�lais
malgr� la diff�rence d'�ge, au jeune comte de Toulouse, Raymond
V, il avait 20 ans, elle la trentaine. Peu importait, le roi avait
besoin du comte contre les ambitions d'Henri Plantagen�t, duc d'Aquitaine,
devenu le roi d'Angleterre. La date pr�cise du mariage n'est pas
connue, mais l'on sait que Constance e�t son premier-n�, le futur
Raymond VI, le 27 octobre 1156. Les premi�res ann�es du couple furent
normales, il y eut au total quatre (peut �tre cinq) naissances.
Puis les choses se g�t�rent et ce fut la rupture.
Une s�rie de lettres conserv�es dans les archives royales permettent
de suivre le d�veloppement de la crise et son issue : trois lettres
de Constance et deux lettres du commun conseil de Toulouse. Elles
ne sont pas dat�es, mais � l'�vidence, et c'est l'avis de Dom Vaiss�te,
on doit les placer dans les quelques mois, voire les quelques semaines
qui ont pr�c�d� l'arriv�e de Constance � Paris, o� elle assista,
en ao�t 1165, au bapt�me de son neveu, le futur Philippe-Auguste.
C'est l'analyse de cette correspondance qui para�t apporter une
preuve de la venue de Constance � Burlats, elle m�rite donc d'�tre
examin�e de pr�s.

Les deux premi�res lettres
de Constance sont un appel pressant � son fr�re le roi.
lettre 438
Constance recommande au roi un chevalier nomm� Guy qui se trouve
dans l'obligation de la quitter pour des raisons familiales. Il
est au courant des difficult�s qu'elle traverse, il est en mesure
de les expliquer au Roi. Elle termine ainsi : "Je prends Dieu
� t�moin que, si vous ne me venez pas en aide, le pire adviendra"
lettre 450
Constance accuse r�ception d'une lettre du Roi apport�e par des
messagers. Elle craint que les promesses qu'elle contient et que
les messagers lui ont confirm�es, ne puissent �tre suivies d'effet.
Elle charge un messager, nomm� Mastolore, d'expliquer au Roi sa
situation.
"Il conna�t, pr�cise-t-elle, tous mes secrets".
Il faut vraisemblablement dater de ce moment, o� le drame n'a pas encore
�clat�, une lettre assez �trange, que Dom Vaiss�te ne mentionne
pas, o� le Commun Conseil de Toulouse, qui ne peut cacher ses inqui�tudes,
s'adresse au Roi en des termes voil�s :
lettre 416
"Nous venons de prendre connaissance de votre v�n�rable lettre. Nous en
rendons gr�ce � Dieu Tout-Puissant qui vous fait penser � nous,
vos sujets. C'est ainsi que par vos correspondances vous vous pr�occupez
constamment de notre humble situation et que vous vous penchez,
� la mani�re d'un p�re, sur nos efforts ainsi que sur les dangers
qui menacent.
Aussi prions nous votre bienveillante
Majest� de continuer � vous souvenir de nous, si tel est votre bon
plaisir, et que vous apportiez vos encouragements � notre seigneur
le Comte, � notre dame tr�s s�r�nissime la reine votre sour et �
nous m�mes qui sommes v�tres et que, selon que l'affaire en elle
m�me peut l'exiger, vous vouliez bien veiller sur nous ".
La seconde lettre du Commun Conseil fait �tat de l'incident que nous
apprenons par ailleurs, par une derni�re lettre de Constance. Le
Roi a envoy� � Toulouse une d�l�gation et demand� aux Toulousains
(et non au Comte) d'y joindre quelques d�l�gu�s pour accompagner
sa sour � Paris. Elle refusa de les suivre et partit de son c�t�.
L'expression "movititer" qu'emploie la lettre des Toulousains sous-entend
un d�part pr�cipit�.

lettre 432
Le Commun Conseil de Toulouse et du Bourg à Roi Louis VII
"Comme il se devait, nous nous sommes grandement r�jouis de votre lettre
ainsi que des honorables personnes de vos envoy�s. Nous nous sommes
consult�s sur sa teneur et avons ex�cut� les instructions qu'elle
contenait de mani�re que notre dame, votre sour parvienne dans des
conditions honorables en votre pr�sence.
Pr�cis�ment le jour o� notre dame,
votre sour, prit pr�cipitamment la route, les honorables citoyens
de la ville et du bourg, P. de Roaxis, B. Arnaud de Pons, G. Raimond
et P. Raimond son fr�re, ainsi que B. ; le pr�pos� qui avait tout
pr�par� au mieux, touts �taient pr�ts � partir avec elle pour votre
Cour, mais elle n'y consentit pas.
C'est la raison pour laquelle nous prions votre bont� que, comme nous
qui sommes v�tres, vous apportiez votre protection � notre dame
et que vous d�fendiez et sauvegardiez Toulouse qui est �galement
� vous et nos jeunes seigneurs, vos neveux, parce que, apr�s Dieu,
tout notre espoir est en vous.
Nous vous prions enfin de nous renvoyer notre honorable dame, votre sour,
aussi vite qu'il sera possible, car c'est avec elle et par elle
que nous mettons notre joie et notre r�confort et que nous sommes
prot�g�s".
Voici le m�me fait - son d�part de Toulouse- expos� par Constance.
lettre 447
Constance au Roi Louis VII.
"
Le jour m�me o� mon serviteur m'a quitt�e, je suis partie du Palais
et me suis rendue dans une villa, � la maison d'un certain chevalier.
Je n'avais m�me plus de quoi manger ni de quoi donner � mon personnel.
Le comte n'a aucun soin de moi ", et plus loin :
"Si tous les messagers qui doivent se rendre � la Cour vous disent que
tout va bien pour moi, ne le croyez pas. Si j'osais vous l'�crire,
je vous dirais pire encore ".

Comment comprendre ce qui s'est pass� ? On ne peut
que faire des suppositions, le Comte, peu soucieux de voir le Roi
mél� � ses difficult�s conjugales, aura-t-il voulu faire
obstacle au d�part de Constance ? Celle-ci �tait � bout. Elle a
d�cid� de fuir seule. Probablement, cependant, sa fuite n'aura pas
�t� improvis�e. Compte tenu de la destination qu'elle allait prendre,
tout aura �t� pr�par� avec les gens de Raymond Trencavel.
La lettre de Constance ne cite pas Burlats. Elle se rend dans une "villa
", � la maison d'un certain chevalier.
Constance ne pouvait trouver protection plus s�re qu'aupr�s de Raymond Trencavel,
le plus puissant, mais aussi le plus ind�pendant des vassaux du
comte de Toulouse.
Tous deux d'ailleurs se connaissaient et, semble-t-il, s'estimaient.
Deux lettres adress�es au Roi en 1164, l'une par lui (lettre 426),
l'autre par elle (lettre 435) le prouvent. Trencavel assurait le
Roi que, depuis sa r�conciliation avec le comte de Toulouse, il
s'effor�ait de rendre � ce dernier et � la comtesse toutes sortes
de services. Quant � Constance, elle demandait � son fr�re d'intervenir
pour r�gler une affaire d'otages qui pr�occupait Trencavel.
Constance avait le choix, autour de Toulouse et � �gale distance, entre trois
r�sidences Trencavel : la puissante citadelle de Carcassonne, leur
vieux ch�teau familial d'Ambialet, pr�s d'Albi et un lieu presque
secret : Burlats.
Aux termes de sa lettre, Constance s'est rendue dans une villa. Ce terme
exclut Carcassonne qui est une "cit�" et Ambialet qui est un "castrum",
un ch�teau. Seul Burlats est comme le nom lui en est donn� en 1118
dans le testament de Bernard-Aton Trencavel, une villa, c'est �
dire une exploitation agricole. Depuis lors, il est vrai, la villa
sommairement fortifi�e du d�but du si�cle s'�tait transform�e. Elle
s'est compl�t�e de nouveaux b�timents, dont l'un est celui qui est
aujourd'hui connu sous le nom de "pavillon d'Ad�la�de". Il y a aussi,
ce qui n'existait pas en 1118, un prieur� conventuel dot� d'une
magnifique �glise o� se c�l�brent des liturgies dignes d'une grande
abbaye. Dans son d�sarroi, la pr�sence d'un tel refuge de pri�re
et de paix aura pu d�terminer le choix de Constance.
Que Constance se soit trouv�e � Burlats en ce printemps de 1165, une
autre circonstance para�t le confirmer. En mai l'�v�que d'Albi organisait
� Lombers le premier colloque auquel furent convi�s des responsables
du mouvement cathare. Lombers est � une �tape d'une journ�e (35km)
de Burlats. Constance y assista en compagnie de Raymond Trencavel.

C'est apr�s Lombers que Constance se rendit
� Paris o�, comme il a �t� indiqu� plus haut, elle se trouve en
ao�t de cette m�me ann�e 1165. Revint-elle � Burlats ? D'apr�s un
texte malheureusement tardif - il date du XIIe si�cle - sa fille
Ad�la�de aurait �t� �lev�e � Burlats, d'o� il est permis de d�duire
que sa m�re �tait aupr�s d'elle. Ad�la�de �tait �g�e de 7 ans en
1165.
Raymond Trencavel vient � Burlats l'ann�e suivante. Il y signe en ao�t l'autorisation
d'�difier un ch�teau dans les environs, � Camboun�s. Il pourrait
s'y �tre attard�, car il est � Albi en f�vrier 1167. C'est peut-�tre
l� un indice pour admettre que Constance �tait alors � Burlats.
Peu
apr�s, en cette m�me ann�e 1167, Raymond Trencavel est assassin�
� B�ziers. Cette fin brutale peut expliquer que Raymond V ait �
ce moment repris sa fille � Toulouse et que Constance priv�e de
protection ait d�finitivement quitt� le pays.
On sait que Roger Trencavel soup�onna le comte de Toulouse d'avoir
�t� complice de la mort de son p�re. Raymond V voulut la paix et,
pour la confirmer, il donnait Ad�la�de en mariage � Roger en 1171.
On ignore ce que devint Constance jusqu'en 1173. A cette date, elle
est install�e en Palestine. Elle revint en France pour y mourir
vers 1190.
En 1894, un architecte des Monuments historiques supposait � nouveau
que c'�tait � l'initiative et aux lib�ralit�s de Constance que l'on
devait la cr�ation du prieur�, ainsi que du pavillon dit "d'Ad�la�de".
En 1903, Jean Laran proposait pour la construction de l'�glise une
fourchette chronologique tr�s large (1130 - 1170) qui d�j� excluait
cette attribution. Les travaux les plus r�cents, ceux de Marcel
Burliat et de J. Cabanot, paraissent avoir r�gl� le question. L'�glise
prieurale a �t� construite � partire de 1120 et achev�e avant 1150.
Le logis roman peut �tre dat� � peu pr�s de la m�me p�riode.
En venant se r�fugier � Burlats, tr�s probablement, on l'a vu, sur
les conseils de Raymond Trencavel, ma�tre de c�ans, Constance y
trouvait un prieur� dans toute sa jeunesse architecturale. Quant
� la r�sidence qui l'attendait, elle �tait bien diff�rente des b�timents
rustiques des ann�es 1120. Femme habitu�e aux cours princi�res,
elle disposait dans l'�l�gant pavillon de Burlats de quoi se loger
� sa convenance. Si l'on tient cependant � retarder la date d'ach�vement
de ce logis, on peut imaginer que Constance aurait vu � l'ouvre
l'atelier qui en sculptait les derniers chapiteaux.
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